domenica 24 novembre 2013

Bertolt Brecht, à propos de Mère Courage et ses enfants



ENTRETIEN AVEC UN JEUNE SPECTATEUR

LE SPECTATEUR : Certains ont dit qu’à la fin la pièce n’est pas tout à fait juste, parce qu’elle termine sur le fait que la cantinière, en dépit des malheurs qu’elle a eus, n’a rien appris.

L’ÉCRIVAIN DE THÉÂTRE : Regarde autour de toi ; il y a assez de gens auxquels la guerre a apporté le malheur. Combien d’entre eux ont-ils appris quelque chose ? Je veux dire : appris eux-mêmes, sans aide, comme la Courage le devrait ?

LE SPECTATEUR : Tu veux dire que tu entends simplement montrer la vérité ? 

L’ÉCRIVAIN DE THÉÂTRE : Oui, la Guerre de trente ans est l’une des premières guerres gigantesques que le capitalisme a attirées sur l’Europe. Et, dans le capitalisme, pour l’isolé, que la guerre ne soit pas nécessaire, c’est monstrueusement difficile, car, dans le capitalisme, elle est nécessaire, c’est-à-dire pour le capitalisme. Ce système économique repose sur la lutte de tous contre tous, des grands contre les grands, des grands contre les petits, des petits contre les petits. Il faudrait donc déjà reconnaître que le capitalisme est un malheur, pour reconnaitre que la guerre apportant le malheur est mauvaise, c’est-à-dire inutile.   

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