Au Paul Claudel
Du soleil soutenant la puissante paresseQui plane et s’abandonne à l’œil contemplateur,
Regard !... Je bois le vin céleste, et je caresse
Le grain mystéri-eux de l’extrême hauteur.
Je porte au sein brûlant ma lucide tendresse,
Je joue avec les feux de l’antique inventeur ;
Mais le dieu par degrés qui se désintéresse
Dans la pourpre de l’air s’altère avc lenteur.
Laissant dans les champs purs battre toute l’idée,
Les travaux du couchant dans la sphère vidée
Connaissent sans oiseaux leur ancienne grandeur.
L’ange frais de l’œil nu pressent dans sa pudeur,
Haute nativité d’étoile élucidée,
Un diamant agir qui berce la splendeur...
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Ô soir, tu viens épandre un délice tranquille,
Horizon des sommeils, stupeur des cœurs pieux,
Persuasive approche, insidieux reptile,
Et rose que respire un mortel immobile
Dont l’œil dore s’engage aux promesses des cieux.
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Sur tes ardents autels son regard favorable
Brûle, l’âme distraite, un passé précieux.
Il adore dans l’or qui se rend adorable
Bâtir d’une vapeur un temple mémorable,
Suspendre au sombre éther son risque et son récif,
Et vole, ivre des feux d’un triomphe passif,
Sur l’abime aux ponts d’or rejoindre la Fortune ;
— Tandis qu’aux bords lointains du Théâtre pensif,
Sous un masque léger glisse la mince lune...
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... Ce vin bu, l’homme bâille, et brise le flacon.
Aux merveilles du vide il garde une rancune ;
Mais le charme du soir fume sur le balcon
Une confusion de femme et de flocon...
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— Ô Conseil !... Station solennelle !... Balance
D’un doigt doré pesant les motifs du silence !
Ô sagesse sensible entre les dieux ardents !
— De l’espace trop beau, préserve-moi, balustre !
Là, m’appelle la mer !... Là, se penche l’illustre
Vénus Vertigineuse avec ses bras fondants !
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Mon œil, quoiqu’il s’attache au sort souple des ondes,
Et boive comme en songe à l’éternel verseau,
Garde une chambre fixe et capable des mondes ;
Et ma cupidité des surprises profondes
Voit à peine au travers du transparent berceau
Cette femme d’écume et d’algue et d’or que roule
Sur le sable et le sel la meule de la houle.
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Pourtant je place aux cieux les ébats d’un esprit ;
Je vois dans leurs vapeurs des terres inconnues,
Des deesses de fleurs feindre d’être des nues,
Des puissances d’orage d’errer a demi nues,
Et sur les roches d’air du soir qui s’assombrit,
Telle divinité s’accoude. Un ange nage.
Il restaure l’espace à chaque tour de rein.
Moi, qui j’ette ici-bas l’ombre d’un personnage,
Toutefois délié dans le plein souverain,
Je me sens qui me trempe, et pur qui me dédaigne !
Vivant au sein futur le souvenir marin,
Tout le corps de mon choix dans mes regards se baigne !
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Une crête écumeuse, énorme et colorée,
Barre, puissamment pure, et plisse le parvis.
Roule jusqu’à mon cœur la distance doree,
Vague !... Croulants soleils aux horizons ravis,
Tu n’iras pas plus loin que la ligne ignorée
Qui divise les dieux des ombres où je vis.
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Une volute lente et longue d’une lieue
Semant les charmes lourds de sa blanche torpeur
Où se joue une joie, une soif d’être bleue,
Tire le noir navire épuisé de vapeur...
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Mais pesants et neigeux les monts du crépuscule,
Les nuages trop pleins et leurs seins copieux,
Toute la majesté de l’Olympe recule,
Car voici le signal, voici l’or des adieux,
Et l’espace a humé la barque minuscule...
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Lourds frontons du sommeil toujours inachevés,
Rideaux bizarrement d’un rubis relevés
Pour le mauvais regard d’une sombre planète,
Les temps sont accomplis, les desirs se sont tus,
Et dans la bouche d’or, bâillements combattus,
S’écartèlent les mots que charmait le poète...
Les temps sont accomplis, les desirs se sont tus.
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Adieu, Adieu !... Vers vous, ô mes belles images,
Mes bras tendent toujours insatiable port !
Venez, effarouchés, hérissant vos plumages,
Voiliers aventureux que talonne la mort !
Hâtez-vous, hâtez-vous !... La nuit presse !... Tantale
Va périr ! Et la joie éphémère des cieux !
Une rose naguère aux ténèbres fatale,
Une toute dernière rose occidentale
Pâlit affreusement sur le soir spacieux...
Je ne vois plus frémir au mât du belvédère
Ivre de brise un sylphe aux couleurs de drapeau,
Et ce grand port n’est plus qu’un noir débarcadère
Couru du vent glacé que sent venir ma peau !
Fermez-vous ! Fermez-vous ! Fenêtres offensées !
Grands yeux qui redoutez la véritable nuit !
Et toi, de ces hauteurs d’astres ensemencées,
Accepte, fécondé de mystère et d’ennui,
Une maternité muette de pensées...
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