domenica 9 gennaio 2011

Ordet

Ordet est le seul film que je peux voir et revoir et qui, chaque fois, me transforme en serpillière. Je le connais pourtant par cœur. Mais il y a en lui une profondeur et un mystère qui me fascinent. J’y vois, mais sublimé, ce que l’on trouve dans toute l’œuvre de Dreyer : une tentative de rendre visible l’invisible. Une sorte de fil tendu, imperceptible, entre la vie et la mort. Je suis toujours aussi bouleversé par cette histoire, celle d’une réconciliation des hommes avec le monde. Une réconciliation qui passe par le corps et par les mots. A la fin du film, un miracle se produit parce que quelqu’un a prononcé une parole, et cette parole, par sa ferveur, fait revivre la chair morte d’une femme bien-aimée. Les personnages avaient rompu peu à peu tout lien avec ce qui les entoure et les voilà forcés de croire à nouveau en la vie. Et même de « croire » tout court. Les désespérés retrouvent leur foi perdue. Quand j’étais enfant, le cinéma m’apprenait à croire au monde. Aujourd’hui, il nous en éloigne à force de trucages. Dans Ordet, la scène finale de la résurrection n’est pas un truc mais un aboutissement spirituel qui ne joue pas sur le spectaculaire. C’est sur le visage d’une enfant qu’on la vit. Et ce qui est audacieux et troublant, c’est que cet événement extraordinaire devient possible grâce à un illuminé, Johannes. Autour de lui, il y a des hommes d’Eglise, mais c’est lui qui prononce la parole, le verbe (tel est le sens du mot ordet). Peut-être faut-il être encore un enfant ou un « fou » pour avoir la force de croire. Je ne sais toujours pas si la fin s’ouvre sur l’espoir ou le désespoir. C’est le secret du film.
(Ordet vu par André Téchiné)

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